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Innovation

Publié le 22 avr 2025Lecture 4 min

Utilisation des données de vie réelle (real-world data) dans la recherche clinique : constats et leviers d’action

Marc-Olivier GAUCI, chirurgien orthopédiste, CHU de Nice, Inserm

L’intégration des données de vie réelle en chirurgie repose sur un codage structuré et une valorisation efficace pour optimiser l’évaluation des pratiques et la qualité des innovations. Une standardisation rigoureuse est essentielle pour garantir l’interopérabilité et la fiabilité des analyses. Toutefois, des défis persistent, notamment sur la qualité du codage, la reconnaissance des actes et l’exploitation économique de ces données.

Un constat critique : codage lacunaire et difficulté d’accéder aux données Bertrand Lukacs (Commission scientifique – Health Data Hub) dresse d’emblée un tableau préoccupant : entre 20 et 30 % des actes de soins seraient « inutiles ou mal adaptés », entraînant un gaspillage majeur de ressources ; l’accès aux données pour évaluer ces pratiques se heurte à de multiples freins ; la nomenclature est insuffisamment mise à jour : de nombreuses innovations (actes ou dispositifs) sont encore « codées par assimilation » (souvent de manière inexacte), créant un «  trou noir  » dans le système d’information (SNDS, PMSI). Il souligne l’enjeu d’une traçabilité fine pour chaque acte, indispensable au suivi en vie réelle et à l’évaluation de l’efficience du parcours de soins.   L’impulsion des registres de pratique Olivier Goeau-Brissonnière (président de la Fédération des spécialités médicales) rappelle qu’une trentaine de registres cliniques sont déjà opérationnels. Portés par les Conseils nationaux professionnels (CNP), ils visent à : collecter les données standardisées relatives à la pratique, à la fois au niveau technique (type d’intervention) et au niveau du suivi (résultats, complications, etc.) ; faciliter la réalisation d’études multicentriques ou d’évaluations de dispositifs, en lien avec des industriels ou des promoteurs institutionnels. Ces registres, déjà reconnus par l’État, pourraient devenir obligatoires dans certains établissements, incitant les praticiens à renseigner systématiquement leurs actes.   Accélérer et améliorer l’évaluation de l’innovation Lise Alter (directrice générale, AIS) souligne l’enjeu central de prouver l’impact des innovations (dispositifs, nouvelles techniques, etc.). Les pouvoirs publics cherchent à : optimiser la phase de recherche clinique (souvent la plus longue et la plus coûteuse) en misant sur de nouvelles méthodologies, pouvant inclure des données de vie réelle ou des données synthétiques (ex. : bras contrôle virtuel) ; accompagner les porteurs de projets (sociétés savantes, industriels, chercheurs) dans la conception de protocoles qui combinent essais traditionnels et exploitation des registres, afin de démontrer rapidement la valeur ajoutée (bénéfice clinique, efficience économique, amélioration de l’organisation des soins, etc.).   Le rôle de la HAS et du «  forfait innovation  » Cédric Carbonneil (Direction de l’évaluation et de l’accès à l’innovation, Haute Autorité de santé [HAS]) rappelle que : le « gold standard  » demeure l’essai contrôlé randomisé, mais la HAS accepte désormais diverses approches alternatives (études observationnelles, comparaisons historiques, données en vie réelle) ; le forfait innovation permet (sur une durée limitée) un financement dérogatoire pour des technologies innovantes, conditionné au recueil de données ; cependant, ce dispositif reste sous-utilisé, en partie à cause de la complexité du montage et du fait que les sociétés savantes (ou CNP) n’ont pas forcément les moyens de supporter seules les frais d’études. L’idée est de « payer pour voir » : offrir un codage et un financement temporaire, tout en exigeant un suivi rigoureux des patients pour statuer ensuite sur le remboursement définitif.   Vers une inscription provisoire et un registre obligatoire François Richard (coprésident, Haut Conseil de la nomenclature [ANC]) propose une démarche plus systématique : création d’un code provisoire (descriptif et tarifaire) pour l’acte innovant, afin de le tracer dans les bases de données sans délai ; inscription temporaire (2 ou 3 ans) au cours de laquelle un registre obligatoire est mis en place. Tous les patients traités avec cette nouvelle technique y sont inclus ; évaluation en continu (morbimortalité, complications, efficacité) permettant de décider, au bout de cette période, si l’acte doit être maintenu, amélioré ou retiré. Cette proposition a déjà été testée dans le cas de la chirurgie robotique (prostatectomie, etc.), où la collecte de données comparatives avec la laparotomie ou la cœlioscopie a démontré l’apport (ou non) de la robotique sur les durées d’hospitalisation, les complications, etc.   Un nouveau paradigme collaboratif Tous les intervenants soulignent que la réussite de cette démarche d’exploitation des données de vie réelle suppose : un maillage institutionnel plus souple : la HAS (Haute Autorité de santé), l’AIS (Agence de l’innovation en santé) , la CNAM (Caisse nationale de l'Assurance maladie), la FSM (Fédération des spécialités médicales) et les CNP (Conseil national professionnel) doivent se coordonner dès l’apparition d’une nouvelle technique ; une acculturation des professionnels à l’évaluation : les chirurgiens n’ont pas toujours le réflexe de documenter leurs actes. Pourtant, en alimentant des registres, ils s’assurent un retour d’information précieux et rendent possible la validation rapide de l’innovation ; des outils numériques (intelligence artificielle, chaînage SNDS-registres, interopérabilité) facilitant la saisie des données et leur exploitation.   Conclusion : un cap à maintenir La session souligne la nécessité de transformer en profondeur la culture de l’évaluation en chirurgie. Les données de vie réelle offrent un levier essentiel pour prouver la pertinence (ou non) des innovations, à condition d’organiser leur collecte (registres, codage précis) et de mettre en place une gouvernance souple et réactive. C’est par la preuve (plusieurs milliers de patients suivis, comparaisons fiables) que les nouvelles techniques pourront accéder à un remboursement raisonné et rapide. À terme, ce mécanisme d’inscription provisoire et de suivi obligatoire pourrait rapprocher l’innovation chirurgicale d’autres secteurs de la recherche médicale, accélérant l’intégration des dispositifs dans la pratique courante, au bénéfice des patients comme de l’efficience du système de santé.   D'après le Congrès Chirurgie 4.0 — Académie nationale de chirurgie

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