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Innovation

Publié le 22 avr 2025Lecture 3 min

Comment une spécialité peut-elle créer sa propre IA ? L’exemple de la neurochirurgie

Marc-Olivier GAUCI, chirurgien orthopédiste, CHU de Nice, Inserm

L’appropriation de l’IA par les médecins et chirurgiens est essentielle pour garantir une utilisation pertinente et éthique des modèles spécialisés en diagnostic et d’aide à la décision. Comprendre leurs modalités de création permet de critiquer leur fiabilité, leurs biais et leurs limites pour les utiliser au mieux. Cela implique une formation adaptée dès la formation initiale et une compréhension des écosystèmes de la donnée et de l’IA.

Contexte : l’IA générative et ses limites Dans son exposé, Sami Barrit souligne d’emblée que l’essor des grands modèles de langage (type ChatGPT, Mistral AI, etc.) suscite un immense intérêt dans le domaine médical. Cependant, ces modèles « généraux » (et souvent propriétaires) souffrent de plusieurs limites : opacité : ils fonctionnent comme une boîte noire, sans transparence sur les algorithmes ni sur la provenance des données ; fiabilité variable : ils peuvent fournir des informations incomplètes ou erronées, ce qui représente un risque pour la pratique clinique ; adaptation : ils ne sont pas forcément calibrés pour les domaines de niche (sous-spécialités chirurgicales, utilisation de dispositifs médicaux spécifiques, etc.). Le défi, selon lui, est donc de créer des IA « sur mesure » pour sa spécialité, intégrant des bases de connaissances validées et répondant aux réalités du terrain.   Trois cas d’usage concrets Stimulation du nerf vague (VNS) La VNS est utilisée, entre autres, pour l’épilepsie et certains troubles psychiatriques. Sur le plan chirurgical, on manipule un générateur implanté (type « pacemaker »), dont la programmation est complexe. L’équipe de S. Barrit a développé un agent IA (baptisé « Nura ») capable de répondre à des questions chirurgicales, techniques ou cliniques de façon précise et contextualisée. Dans une étude comparant 36 chirurgiens (majoritairement neurochirurgiens) face à l’IA, l’IA obtenait un score global de 75,6 % de bonnes réponses (contre 61 % pour les humains, pourtant formés).   Diagnostic différentiel en neurologie/neurochirurgie Sur la base de 7 manuels de référence, un prototype d’IA a été confronté à des scénarios complexes de diagnostic. L’IA a montré un taux de succès de 85 à 95 % (selon la difficulté du cas), avec un temps de réponse très court (28 secondes en moyenne), tandis que les spécialistes prenaient environ 10 minutes. L’intérêt majeur : l’IA peut lister rapidement un diagnostic différentiel large, évitant ainsi des omissions.   Assistance à la rédaction scientifique (peer review) Au-delà de l’aspect purement clinique, un agent génératif peut accélérer le processus de relecture d’articles scientifiques et de vérification de références, en s’appuyant sur une base de littérature ciblée.   Enjeux et perspectives Acculturation des chirurgiens S. Barrit insiste sur la nécessité, pour les médecins et chirurgiens, de comprendre les rouages de l’IA, et pas seulement de « consommer » des solutions prêtes à l’emploi. Des profils hybrides (chirurgien-ingénieur, chirurgien-data scientist) doivent être encouragés.   Validation médicale Toute IA destinée à la pratique chirurgicale doit être évaluée selon des critères d’évidence scientifique, dans des études comparatives menées par des médecins eux-mêmes, afin de garantir sa fiabilité et sa sécurité.   Open source et souveraineté De plus en plus de modèles de langage ouverts (open source) apparaissent, offrant à la communauté médicale la possibilité de personnaliser et d’inspecter le fonctionnement de l’algorithme. Cela répond à des impératifs de transparence et de contrôle sur les données.   Co-intelligence L’IA ne doit pas se substituer au chirurgien, mais fonctionner en synergie, lui permettant d’explorer plus vite un diagnostic différentiel, de confirmer des protocoles ou d’affiner une prise de décision thérapeutique.   Conclusion Pour Sami Barrit, « créer sa propre IA » dans une spécialité comme la neurochirurgie n’est pas une utopie, à condition d’investir dans : des bases de données de qualité (validées cliniquement) ; un engagement des chirurgiens à s’impliquer dans la conception et l’évaluation des outils ; une approche open source favorisant la transparence et la sécurité. Cette démarche offre la perspective d’une médecine augmentée, où l’IA libère du temps et enrichit l’expertise humaine, sans la remplacer.   D'après l'intervention de Sami Barrit (neurochirurgien, Bruxelles) – Congrès « Chirurgie 4.0 » de l’Académie nationale de chirurgie

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