Publié le 22 avr 2025Lecture 4 min
Pourquoi mettre en place des registres ? Retour d’expérience et arguments clés
Marc-Olivier GAUCI, chirurgien orthopédiste, CHU de Nice, Inserm

Les registres sont une modalité récente de la médecine basée sur les preuves en apportant des données réelles sur l’efficacité et la sécurité des traitements. Ils permettent d’optimiser les recommandations et les parcours de soins, mais posent des défis de qualité des données, d’interopérabilité et d’exploitation.
Des essais cliniques traditionnels coûteux et peu flexibles
Le propos initial met en évidence les limites des essais randomisés contrôlés (ERC), tels qu’on les pratique aujourd’hui :
modèle « stop-and-go » : pour chaque essai, il faut monter un protocole, contractualiser, recruter des patients, etc., ce qui engendre lenteurs et coûts élevés ;
biais de conception : essais comparant rarement deux technologies déjà établies, et souvent sponsorisés par un industriel focalisé sur sa propre innovation ;
rapport coût/efficacité médiocre : l’investissement est lourd, alors que l’efficacité réelle des résultats peut parfois être questionnée (taille d’échantillon, durée, etc.).
Les registres, une source continue de données en vie réelle
À l’inverse, un registre offre un flux de données permanent (et non plus ponctuel), qu’il s’agisse de patients inclus en continu ou de résultats collectés en routine.
Exemple suédois : la possibilité d’intégrer à l’enregistrement continu des patients une forme de randomisation « intégrée » (embedded trial). Les cliniciens peuvent alors faire un « carottage statistique » et obtenir un niveau de preuve comparable à un ERC, pour un coût jusqu’à 30 fois moindre.
Un registre fournit aussi des données sur une longue période, en conditions réelles de pratique (contrairement à l’environnement contrôlé des ERC), permettant de détecter plus finement les bénéfices et risques.
Réduire les variations de pratiques et améliorer la qualité
Grégory Katz insiste sur la variation massive des résultats cliniques d’un praticien ou d’un centre à l’autre, observée dans de nombreuses spécialités (orthopédie, ophtalmologie, oncologie, etc.).
Sans registre, il est impossible de quantifier ces variations, ni de repérer les performances réelles de chacun.
Les soignants ne peuvent pas se situer par rapport à leurs pairs et donc améliorer leurs pratiques.
Les patients ne disposent pas non plus d’informations pour s’orienter vers les centres les plus performants.
Transparence, benchmarking incitatifs
Dans le modèle suédois, la publication (même partielle) des résultats d’un registre conduit à une amélioration notable des performances, car les praticiens souhaitent éviter de rester « en dessous de la moyenne ».
Incitatifs majeurs : la réputation (image publique) et la rémunération (paiement à la qualité plutôt qu’au volume).
Les registres, en identifiant les centres moins performants, réduisent les écarts et stimulent l’excellence.
Exemples concrets : chirurgie de la cataracte et PROMS
Art. 51 en France : sur la chirurgie de la cataracte, l’intégration de mesures de résultats rapportés par le patient (PROMs) dans un registre a montré des gains de 30 % en amélioration de la qualité de vie, comparé aux chirurgiens qui ne s’engageaient pas dans cette démarche.
Les registres peuvent définir des seuils d’indication opératoire (par exemple : si le confort visuel est au-dessus d’un certain score, l’opération n’apporte que peu de bénéfices).
Vers une approche « value-based health care »
Les registres permettent d’objectiver la performance en termes de résultats cliniques et de qualité de vie.
Les PROMs (Patient-Reported Outcome Measures) deviennent un critère essentiel pour classer les centres (notamment dans des rankings internationaux).
En France, plusieurs sociétés savantes et CNP (Conseils nationaux professionnels) travaillent à la mise en place de registres standardisés (cataracte, chirurgie de l’obésité, orthopédie, etc.), pour suivre en continu les outcomes et aligner les incitations : qualité, transparence, rémunération, reconnaissance.
Conclusion
Grégory Katz démontre que les registres sont un outil majeur pour la recherche clinique et la pratique quotidienne :
ils diminuent drastiquement les coûts et la complexité liés à la méthode classique des essais randomisés tout en conservant (voire surpassant) le niveau de preuve attendu ;
ils réduisent les variations de pratique en offrant un benchmark continu et transparent ;
ils encouragent une amélioration de la qualité et la mise en place d’un modèle « value-based », où les résultats comptent plus que le volume d’actes.
Cette approche, déjà éprouvée en Suède ou dans d’autres pays, peut parfaitement se transposer à la France, à condition de mutualiser les données, de mettre en place des standards, et de changer le paradigme : du paiement au volume vers une rémunération basée sur les résultats de santé (et la satisfaction des patients).
D'après l'intervention de Grégory Katz (Chaire Value in Health, Université Paris Cité/président de PromTime)
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