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Pédiatrie

Publié le 19 juin 2024Lecture 6 min

Le regard du chirurgien sur les brûlures de l’enfant - Une vision plurielle pour une prise en charge complète

Aurélien BINET, Université de Poitiers, faculté de médecine et de pharmacie Service de chirurgie pédiatrique, CHU de Poitiers, Site de la Milétrie, Poitiers Laboratoire d’Écologie et Biologie des Interactions (EBI), UMR CNRS 7267, Poitiers

Élevée au 3e rang des morts et blessures accidentelles de l’enfant dans les pays développés et au 4e rang des accidents domestiques (enfants de 1 à 4 ans)(1,2), la brûlure est un enjeu de société majeur. Le regard du chirurgien est bien sûr un regard technique au sein d’une équipe multidisciplinaire prenant en charge l’enfant brûlé. Cependant cette approche ne se limite heureusement pas aux seules stratégies chirurgicales à adopter en fonction des situations. Différents points de vue peuvent être pris pour appréhender « chirurgicalement » l’enfant. Nous aborderons dans cet article ces différents prismes.

Regard chirurgical social   Accidents domestiques Les accidents domestiques représentent la majeure partie des causes de brûlure chez l’enfant incriminant comme pièces à risque dans le logement familial la cuisine et la salle de bains(3). Les conditions d’habitation sont bien évidemment un paramètre sociologique majeur et il y a de fait plus d’accidents domestiques dans les secteurs à forte précarité sociale(4), justifiant un lien étroit entre les services de brûlés, le médecin traitant, le pédiatre et la PMI qui ont un rôle majeur dans la prévention mais également dans l’accompagnement du soin postbrûlure. Cette démarche s’effectue en lien avec les services sociaux. Il convient également d’être vigilant quant à la couverture sociale de ces patients et de ne pas hésiter à effectuer les démarches de demande d’affection longue durée (ALD) exonérante « hors liste ». Ceci permet alors une prise en charge maximum des frais de santé remboursables par la Sécurité sociale(5).   Enfant maltraité Cependant, l’éventualité d’une maltraitance doit toujours être évoquée quel que soit le milieu social. Il est ainsi rapporté que 95 % des abus que subissent les enfants seraient des brûlures et 10 % des brûlures chez l’enfant seraient dues à des abus(6,7). Il est difficile de mettre en avant bon nombre de maltraitances physiques et de nombreux cas de brûlures ne sont pas étiquetés comme tels. Il est possible de s’appuyer sur les critères de Stone pour orienter un scénario clinique vers une maltraitance éventuelle (encadré)(8). La clinique des brûlures dans un contexte de maltraitance est assez bien documentée : les brûlures à bords nets telles que les brûlures en gants ou en chaussettes doit faire évoquer une brûlure par immersion volontaire. Les brûlures où l’on trouve la forme de l’objet évoquent des brûlures de maltraitance par contact. Le fait que la brûlure atteigne les plis ou soit en zone protégée habituellement par les vêtements (fesse, périnée) doit faire évoquer une brûlure dans un contexte de maltraitance. Enfin, des lésions d’abrasions qui peuvent mimer des brûlures, notamment des lésions par d’éventuels liens, doivent également alerter.   Le regard de prévention   Bien évidemment à l’arrivée dans un service d’accueil d’urgence, les premiers éléments mis en place sont notamment la lutte contre la déshydratation et la douleur. Il est nécessaire cependant d’anticiper le soin qui sera réalisé à court terme tout comme les suivants, avec notamment la mise en place d’une antalgie adaptée ou d’une analgésie dès la prise en charge initiale, puisque le vécu de ce premier pansement pourra réaliser une empreinte conditionnant la réussite et le vécu des suivants. Il convient également d’effectuer les soins de pansement selon les règles de l’art afin d’éviter toutes complications surajoutées : un pansement de main en séparant bien les doigts et en évitant d’entraîner une subluxation secondaire du pouce, anticiper d’éventuelles rétractions en posturant le membre, etc. Il faut également prévenir les complications qui peuvent survenir en aiguë en lien avec la gravité de la brûlure et son caractère circulaire, notamment la prévention d’un syndrome de loges, en n’hésitant pas à réaliser des incisions de décharges. Il faut également être vigilant sur l’atteinte des voies aériennes supérieures ainsi que celle de la région périnéale qui peut nécessiter une dérivation.   Le regard technique   Après l’évaluation des risques associés initialement, le regard chirurgical doit absolument envisager la prise en charge optimale en fonction du cas, son objectif étant d’obtenir une cicatrisation cutanée avant J10-J14. Différentes techniques peuvent être envisagées telles que l’excision-greffe précoce, la greffe de peau mince, la greffe de peau totale, l’utilisation d’une matrice dermique avec greffe de peau mince, des greffes en pastille, la pulvérisation de kératinocytes, etc. Le choix de la technique se fera bien évidemment du plus simple au plus compliqué et en discussion pluridisciplinaire selon l’état général du patient. Ce regard technique ne se cantonne pas à la prise en charge en aigu. Que ce soit beau en postopératoire c’est une chose, mais que ce soit tout aussi beau et fonctionnel à distance et à l’âge adulte en est une autre. En effet, il faut anticiper les éventuelles complications qui pourront découler de l’option thérapeutique initiale choisie. Opter pour une cicatrisation dirigée qui n’aboutira pas avant le 14e jour et qui traînera en longueur condamne généralement à une cicatrice de mauvaise qualité…, et à une reprise ultérieure. Ainsi, il faut poser l’indication le cas échéant de la réalisation d’une excision greffe (précoce ou non) face à une évolution (potentiellement) défavorable. À moyen terme et notamment tout au cours de la période inflammatoire de la cicatrisation qui peut prendre entre 12 à 18 mois, une cicatrice se surveille et s’accompagne. Tant qu’elle est inflammatoire, on peut travailler dessus. Les massages-pétrissages cicatriciels sont indispensables toute la durée de l’inflammation et nécessitent une adhésion de la famille au programme thérapeutique (2 à 3 massages-pétrissages par jour d’une durée de 5 minutes). La crème utilisée aura fonction de lubrification des doigts pour améliorer la tolérance du massage. Une contention avec un vêtement adapté sur mesu re vient compléter la prise en charge et est à porter 23 heures sur 24 pendant environ 12 mois. Sa prescription pourra être refaite tous les 3 mois pour optimiser la contention. « À quoi voit-on qu’une cicatrice est inflammatoire ? » « Quand j’appuie dessus, elle blanchit instantanément et se recolore en rouge tout de suite après. » Même si durant la période inflammatoire, une intervention invasive sur la cicatrice est à différer, il convient cependant de déceler des brides ulcérées notamment au niveau axillaire, des difficultés d’appareillage en rééducation et des gênes fonctionnelles majeures qui pourraient nécessiter une prise en charge plus précoce. Cet accompagnement technique se fait bien évidemment tout au long de la croissance, puisqu’une peau brûlée cicatricielle ne va pas grandir aussi bien qu’une peau normale et l’accompagnement de cette peau brûlée chez l’enfant en croissance nécessitera probablement une aide chirurgicale à moyen et long terme. Il convient également, en collaboration étroite avec les orthoprothésistes et les masseurs kinésithérapeutes, d’envisager les mesures associées telles que les attelles de posture, la rééducation, la récupération et le maintien des amplitudes articulaires tout comme faire le lien avec les équipes de cures thermales. Enfin, accompagner l’enfant jusqu’à sa fin de croissance pour compléter le résultat esthétique et fonctionnel est indispensable.   Un regard accompagnant   Il est nécessaire d’accompagner la cicatrisation avant la sortie même de l’hospitalisation en expliquant bien aux parents de manière éclairée et adaptée la nécessité primordiale des massages-pétrissages cicatriciels tout comme des systèmes de compression. Le lien avec le médecin traitant de ville et le pédiatre est essentiel pour la surveillance de la réalisation efficace et régulière des massages-pétrissages cicatriciels. Réexpliquer l’intérêt de ces derniers permet de maintenir la motivation de la famille. A et B : pansement à 48 heures. C et D : aspect à J10 d’une tentative de cicatrisation dirigée. Décision de réaliser une greffe de peau mince. E et F : aspect immédiat postgreffe. G et H : résultat à un mois.

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