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Cancérologie

Publié le 19 juin 2024Lecture 5 min

La mastectomie bilatérale - Quel impact sur la survie des patientes mutées BRCA1 ?

Katia MAHIOU et Claire BONNEAU, service de Chirurgie, Institut Curie, Paris
La mastectomie bilatérale

La recherche des mutations germinales fait partie intégrante de la prise en charge des cancers du sein. Parmi elles, les mutations des gènes BRCA1/2 représentent 3 à 4 % des cas de cancers du sein(1). Pour une patiente atteinte de cancer du sein, l’identification d’une mutation délétère de BRCA1/2 permet d’adapter les traitements médicaux, notamment depuis le développement des inhibiteurs de PARP mais également d’adapter potentiellement le traitement chirurgical ou les chirurgies de réduction de risque (mastectomie controlatérale, annexectomie bilatérale). Néanmoins, en cas de cancer du sein chez une patiente mutée BRCA1/2, il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus sur la chirurgie à réaliser : chirurgie conservatrice, mastectomie unilatérale ou mastectomie bilatérale. D’autre part, la connaissance de la mutation avant la chirurgie par la patiente et le chirurgien impacte le choix du type de chirurgie(2).

D’après la présentation de K. Metcalfe (University of Toronto, Toronto, Ontario, Canada). Abstract#GS02-04. Surgical treatment of women with breast cancer and a BRCA1 mutation: an international analysis of the impact of bilateral mastectomy on survival.   À l’âge de 80 ans, le risque cumulé de développer un cancer invasif est estimé à 72 % pour les patientes porteuses d’une mutation BRCA1 et à 69 % pour les patientes porteuses d’une mutation BRCA2(3). Pour le sein controlatéral, le risque cumulé 20 ans après le diagnostic de cancer du sein est de 40 % pour les porteuses du gène BRCA1 et de 26 % pour les porteuses du gène BRCA2(3). Au vu de ces chiffres, de nombreuses patientes sont demandeuses d’une mastectomie controlatérale prophylactique dans le même temps opératoire que leur cancer du sein ou à distance, mais l’impact de cette chirurgie controlatérale prophylactique sur la survie n’est pas démontré. L’objectif de cette étude présentée au SABCS 2023 était d’évaluer le risque de cancer du sein controlatéral et la mortalité liée au cancer du sein en fonction du traitement chirurgical réalisé chez les femmes présentant un cancer du sein non métastatique et un variant pathogène du gène BRCA1. Cette étude repose sur les données d’une cohorte multicentrique de 2 482 patientes porteuses d’un variant pathogène BRCA1 et prises en charge pour un cancer du sein non métastatique au diagnostic dans 11 pays.   RÉSULTATS Description de la cohorte Le suivi moyen après cancer était de 8,9 ans (0,00-26,0) et l’âge moyen au diagnostic du cancer de 43,1 ans. Ainsi, 46 % des patientes ont eu une mastectomie totale unilatérale, 34,3 % un traitement conservateur et 19,7 % une mastectomie bilatérale. Récidive du cancer du sein en controlatéral Parmi celles qui ont reçu une chirurgie unilatérale (mastectomie totale ou traitement conservateur), le risque de cancer du sein controlatéral à 20 ans était de 27,5 %. Après un cancer controlatéral, le rapport de risque de décès par cancer du sein était de 2,22 (IC 95 % : 1,49-3,32) par rapport aux patientes n’ayant pas présenté de cancer controlatéral (p = 0,0001). Données de survie Lors du suivi de l’étude, 11,5 % des patientes sont décédées d’un cancer du sein. La survie spécifique au cancer du sein à 15 ans dans l’ensemble de la cohorte était de 82,9 %. En analyse univariée, la survie était significativement plus faible, à 78,7 %, pour les femmes ayant reçu une mastectomie unilatérale par rapport aux femmes ayant reçu un traitement conservateur (86,2 %) et celles ayant reçu une mastectomie bilatérale (88,7 %) (p < 0,0001). Après ajustement sur l’âge au diagnostic, la taille de la tumeur, le statut ganglionnaire, la chimiothérapie (oui/non) et la mastectomie prophylactique (en fonction du temps), le rapport de risque de mortalité par cancer du sein pour la chirurgie bilatérale par rapport à la chirurgie unilatérale lors de la phase initiale de traitement était de 0,78 (IC 95 % : 0,55-1,13 ; p = 0,19). Figure 1. Incidence des cancers du sein controlatéral en fonction de la chirurgie à 20 ans. Discussion D’après cette étude, les femmes porteuses d’une mutation BRCA1 avaient significativement moins de risque de développer un cancer controlatéral lorsque la chirurgie initiale comportait une mastectomie totale bilatérale. Parmi ces patientes, celles qui développaient un cancer du sein controlatéral avaient un risque de mortalité deux fois plus élevé que les femmes qui ne développaient pas de cancer du sein controlatéral. Néanmoins, après ajustement sur les facteurs pronostiques de la tumeur initiale, la survie n’était pas significativement différente entre une chirurgie initiale uni- ou bilatérale. Dans cette cohorte internationale, plus des deux tiers des patientes présentaient un cancer non hormonodépendant de grade III et près de 80 % des patientes ayant eu un traitement unilatéral ont eu de la chimiothérapie dans leur prise en charge. C’est le pronostic de cette tumeur initiale qui semble l’emporter par rapport à la prévention d’un nouveau cancer. En effet, chez ces patientes mutées à haut risque de récidive, le pronostic de survie est dépendant des caractéristiques clinicopathologiques du cancer du sein, et il serait intéressant de quantifier le risque de récidive locale et métastatique de leur cancer du sein, en plus du risque de cancer controlatéral pour pouvoir informer aux mieux les patientes.  La mastectomie controlatérale prophylactique, notamment par reconstruction mammaire immédiate, doit être proposée et discutée avec les patientes at-teintes de mutations de prédisposition aux cancers du sein. Si le choix est fait de réaliser cette chirurgie dans le même temps opératoire, elle ne doit en aucun cas retarder les potentiels traitements adjuvants du cancer du sein. C’est pour cette raison qu’en fonction des risques de complications post-opératoires de cicatrisation attendus, de nombreuses équipes privilégient une stratégie chirurgicale en deux temps. D’autre part, la chirurgie de réduction de risque chez ces patientes mutées peut permettre de diminuer les angoisses par rapport à la récidive controlatérale mais peut également avoir un impact négatif sur l’image du corps, la sexualité et la qualité de vie(4). L’étude OlympiA, publiée en 2022, a démontré le bénéfice en survie globale de l’olaparib en traitement adjuvant chez les patientes porteuses d’une mutation BRCA(5).  Dans cette cohorte, les dates d’inclusion vont de 1995 à 2021 impliquant que probablement peu de patientes incluses dans la cohorte de cet article ont bénéficié de ce traitement ciblé. De nouvelles études devront être réalisées sur une période de suivi plus longue pour estimer l’impact de ces nouveaux traitements sur le risque de cancer controlatéral, ainsi que sur le risque de décès par cancer du sein. On peut imaginer que l’efficacité des traitements augmentant au cours du temps avec l’arrivée de nouvelles stratégies thérapeutiques, l’importance d’une mastectomie prophylactique controlatérale devrait croître. Des outils se développent pour essayer d’estimer le risque de cancer controlatéral. C’est le cas du BRCA-CRisk qui semble être un outil utile pour aider les patientes et les praticiens dans les stratégies de réduction de risque sur la base du calcul d’un risque individuel de cancer controlatéral(6). Figure 2. Mortalité par cancer du sein en fonction de la chirurgie à 15 ans.  

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